SAF obligatoire : la Turquie impose un virage à son aviation
La Turquie a annoncé une mesure ambitieuse pour verdir son aviation civile : un quota obligatoire de carburant d’aviation durable (SAF, Sustainable Aviation Fuel) sera imposé à toutes les compagnies aériennes opérant dans le pays dès 2025. Cette exigence commencera à hauteur de 2 % de carburant durable mélangé au kérosène, et sera progressivement augmentée dans les années à venir, jusqu’à atteindre potentiellement 5 % en 2030.
Ce choix stratégique s’aligne sur les objectifs européens de décarbonation du transport aérien, bien que la Turquie ne soit pas membre de l’Union européenne. Il témoigne de l’engagement croissant d’Ankara envers les accords climatiques internationaux, notamment l’Accord de Paris.
Des fournisseurs locaux sollicités
Le ministère turc de l’Énergie et des Ressources naturelles a précisé que les fournisseurs de carburant seront eux aussi concernés par cette obligation. Ils devront s’assurer que le volume distribué contient une part minimale de SAF, à défaut de quoi des sanctions seront envisagées.
Cette mesure devrait stimuler l’émergence d’une filière locale de production de biocarburants aéronautiques, encore embryonnaire en Turquie. Le pays mise sur ses capacités agricoles et industrielles pour développer une filière nationale compétitive, capable de répondre à la demande croissante du secteur aérien.
Des défis techniques et économiques pour les compagnies aériennes
Pour les transporteurs comme Turkish Airlines ou Pegasus, l’application de ces quotas représente un défi logistique et financier. Le carburant durable reste en moyenne trois à cinq fois plus cher que le kérosène conventionnel, ce qui pourrait affecter les coûts opérationnels des compagnies.
Certaines d’entre elles ont déjà commencé à s’adapter : Turkish Airlines a lancé en 2022 ses premiers vols utilisant du SAF sur certaines lignes européennes. Cette initiative pourrait maintenant s’étendre à grande échelle.
Le SAF : une solution imparfaite mais incontournable
Le carburant d’aviation durable est produit à partir de matières premières renouvelables : huiles usagées, graisses animales, biomasse, ou encore CO₂ recyclé. Il permet de réduire jusqu’à 80 % des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie, par rapport au kérosène classique.
Cependant, le SAF reste une solution de transition. Sa disponibilité mondiale est encore très limitée : selon l’IATA, il ne représente que 0,1 % de la consommation de carburant d’aviation en 2023. Sa généralisation nécessitera d’énormes investissements en capacité de production, ainsi qu’une régulation incitative.
Un marché mondial en plein essor
L’annonce turque intervient alors que les cours du S&P GSCI Bio Fuel Index — qui reflètent l’évolution des prix des biocarburants mondiaux — connaissent une relative stabilité après les hausses des dernières années. Ce contexte de marché pourrait favoriser les plans d’Ankara.
À l’échelle mondiale, les initiatives se multiplient. L’Union européenne a déjà adopté un règlement prévoyant l’introduction obligatoire de SAF dans tous les vols au départ de l’UE dès 2025. Les États-Unis, de leur côté, misent sur des crédits d’impôt pour accélérer la production nationale.
La Turquie, en s’alignant sur ces grandes puissances, cherche à se positionner comme acteur responsable du transport aérien mondial, mais aussi à développer un avantage concurrentiel régional.
Quel impact pour les passagers ?
À court terme, il est peu probable que les passagers ressentent directement les effets de cette transition. Les prix des billets pourraient légèrement augmenter, mais l’effet reste marginal comparé à d’autres facteurs comme les taxes, la demande ou les fluctuations du pétrole brut.
À moyen terme, en revanche, l’adoption massive de SAF pourrait devenir un argument marketing pour les compagnies, en particulier pour une clientèle de plus en plus soucieuse de son empreinte carbone.
Une politique énergétique qui s’internationalise
La Turquie rejoint ainsi un club encore restreint de pays ayant fixé des quotas obligatoires de carburants alternatifs pour l’aviation. Cette mesure s’inscrit dans une stratégie plus large de transition énergétique portée par le gouvernement d’Ankara.
Elle pourrait inspirer d’autres nations de la région, notamment au Moyen-Orient ou en Asie centrale, où le transport aérien joue un rôle crucial dans les échanges économiques. En imposant une contrainte écologique dans un secteur aussi sensible, la Turquie envoie un signal fort à ses partenaires et à ses industriels.
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