Marges brutes sur les carburants : quel est le vrai poids des distributeurs dans le prix à la pompe ?

Une question cruciale sur la transparence des prix

Le 6 juin 2025, le Sénat a publié la question écrite posée au ministère de la Transition énergétique  portant sur la part réelle des marges brutes des distributeurs dans le prix des carburants. Cette interrogation, formulée par le sénateur Hervé Maurey, visait à éclairer le débat persistant sur les hausses à la pompe : qui en profite vraiment ?

Face à une opinion publique régulièrement heurtée par les fluctuations du prix du litre d’essence ou de gazole, l’enjeu est de clarifier la part respective du raffinage, de la distribution, et de la fiscalité dans le prix payé par les automobilistes.

Selon une étude menée par la revue Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV), la marge brute moyenne des distributeurs d'essence SP 95 s'est élevée, en avril 2025, à 24,6 centimes par litre et celle des distributeurs de gazole à 22,3 centimes. À titre de comparaison, ces marges s'élevaient respectivement à 15,6 et 13,9 centimes en 2019. L'étude CLCV souligne que celles-ci sont en hausse depuis 2023 et estime que leur niveau actuel est « clairement excessif ». Elle indique, en effet, que la valeur « normale » de ces marges devrait être d'environ 18 centimes par litre en 2025.

Des marges brutes qui varient selon le carburant

Selon les chiffres transmis par le gouvernement, les marges brutes réalisées par les distributeurs en France ont légèrement évolué entre 2023 et 2024. Voici les moyennes mensuelles communiquées, exprimées en centimes d’euro par litre :

Ces chiffres restent stables, avec une légère augmentation d’environ +0,8 centime par litre. Cette hausse peut s’expliquer par les ajustements logistiques, les coûts énergétiques internes ou encore les investissements nécessaires dans la distribution (notamment la transition vers des stations multicarburants incluant l’électrique).

Des marges encadrées et souvent surestimées

Contrairement à certaines idées reçues, la marge brute des distributeurs ne représente qu’une faible part du prix total payé à la pompe, souvent inférieur à 15 centimes/litre. À titre de comparaison, les taxes (TICPE + TVA) représentent encore plus de 60 % du prix final, soit parfois plus de 1 € sur un litre d’essence.

Le reste du prix est principalement lié au coût du pétrole brut et au raffinage, qui, eux, dépendent des cours internationaux et des tensions géopolitiques.

2024, année de surveillance accrue des marges

Depuis 2023, l'État surveille de plus près les marges, dans le sillage de l’inflation post-Covid et du choc énergétique déclenché par la guerre en Ukraine. Fin 2023, le gouvernement avait demandé aux groupes pétroliers et aux distributeurs une transparence renforcée.

Il est important de noter que la marge brute n'équivaut pas au bénéfice net réalisé par les distributeurs. Cette marge couvre en réalité l'ensemble des coûts d'exploitation des stations : personnel, maintenance, électricité, loyers, investissements, etc. Selon plusieurs analyses économiques, le bénéfice net par litre pour un distributeur est souvent inférieur à 2 centimes. Dans la grande distribution, la vente de carburant sert avant tout d’appel commercial, avec des marges souvent nulles ou très faibles. La question du Sénateur, bien que légitime sur la transparence, doit donc être lue à l'aune de ces réalités opérationnelles.

Des outils pour suivre les prix et mieux comprendre les écarts

Pour les automobilistes, il reste essentiel de comparer les prix d’une station à l’autre, même au sein d’une même ville. Des écarts allant jusqu’à 20 centimes par litre peuvent être observés. Des plateformes comme prix-carburant.eu permettent de suivre ces différences en temps réel, avec des cartes interactives par département, commune ou marque.

De plus, notre baromètre hebdomadaire met en évidence les variations des prix moyens et aide à détecter d’éventuelles hausses injustifiées.