Comprendre la décomposition du prix d’un litre de carburant : SP95 et Diesel

Chaque fois que vous faites le plein de votre véhicule, vous payez bien plus que le simple coût du pétrole brut. En réalité, le prix affiché à la pompe est la somme de plusieurs composantes, dont certaines sont fixées par l’État. Dans cet article, nous allons détailler la répartition du prix d’un litre de carburant en France, en nous concentrant sur deux types populaires : le SP95-E10 (essence) et le Gazole B7 (diesel).

1. Un baril, c’est plusieurs carburants

Avec un baril de pétrole brut (soit environ 159 litres), les industriels peuvent produire différents types de carburants. La distillation permet d’en extraire :

• 20 % de SP95 – essence classique pour la majorité des voitures à essence,
• 5 % de SP98 – essence premium, plus performante,
• 20 % de E10 – essence contenant jusqu’à 10 % d’éthanol,
• 25 % de Gazole – utilisé par les véhicules diesel,
• 10 % de Kérosène – carburant pour l’aviation.

Le reste du baril est utilisé pour produire d'autres produits comme le fioul lourd, le bitume, les lubrifiants ou encore les plastiques. Chaque litre est valorisé selon sa densité énergétique et son usage final.

2. Les grandes composantes du prix à la pompe

Le prix d’un litre de carburant se divise en plusieurs postes :

• Le prix du pétrole brut (ou cotation internationale)
• Les coûts de raffinage, de logistique et de distribution
• Les charges environnementales (CEE)
• Les taxes : TVA et TICPE

Le prix du produit brut (Rotterdam)

Le produit brut correspond au prix du carburant avant taxes et distribution, déterminé sur le marché international. En Europe, la référence est généralement la cotation de Rotterdam. Ce prix fluctue quotidiennement en fonction des événements géopolitiques, de la demande mondiale et de la production de l'OPEP.

En 2024, le prix moyen du brut pour l’essence SP95 était autour de 0,50 € à 0,60 €/litre, et celui du diesel entre 0,48 € et 0,55 €/litre.

Distribution et marges

Ce poste inclut le coût de transport, de stockage, de logistique, et la marge du distributeur. Il varie peu, et représente environ 7 à 9 % du prix total, soit 0,12 €/litre en moyenne.

Les frais de distribution et la marge des stations ne sont pas proportionnels au prix du pétrole brut. Même si certains documents parlent de 7 à 8 %, en réalité :

• Les stations-service ont des coûts fixes (logistique, personnel, loyers...)
• Elles appliquent donc une marge quasiment constante en euros, autour de 0,11 à 0,14 €/litre

Résultat : même si le baril chute fortement, la baisse à la pompe est limitée, car la TICPE reste fixe, et les coûts d’exploitation ne changent pas.

Les CEE (Certificats d'économie d’énergie)

Mise en place par la loi POPE en 2005, la mécanique des CEE impose aux fournisseurs d'énergie (dont les distributeurs de carburants) de réaliser ou financer des économies d'énergie.

Chaque litre vendu inclut donc une contribution à ces obligations. En 2024, cette charge était estimée à 8 à 9 centimes d’euro par litre.

La TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques)

La TICPE est la principale taxe sur les carburants. Elle est fixe par litre, contrairement à la TVA. Son montant est défini chaque année en loi de finances.

Montants en vigueur en 2024 :

• SP95-E10 : 0,681 €/litre
• Gazole B7 : 0,607 €/litre

Il existe également des modulations régionales. En 2025, la quasi-totalité des régions métropolitaines appliquent la modulation maximale autorisée de TICPE, soit une surtaxe régionale de +2,5 centimes par litre sur les carburants (essences SP95, SP98 et gazole)​. Des exceptions notables existent : Auvergne-Rhône-Alpes a choisi une surtaxe régionale réduite (≈1,08 c€/L sur le gazole​ et ~0,58 c€/L sur l’essence, au lieu de 0,73 c€/L autorisé​ ), tandis que la Corse n’applique aucune surtaxe régionale (0 c€/L). À l’inverse, Île-de-France cumule la majoration régionale maximale (+2,5 c€/L) et une fraction additionnelle dédiée à Île-de-France Mobilités, portant la surtaxe totale à environ 4,39 c€/L sur le gazole et 3,65 c€/L sur l’essence.

La TVA

La TVA à 20 % s’applique non seulement sur le prix du carburant brut, mais aussi sur la TICPE elle-même, ce qui constitue une taxe sur une taxe.

Exemple pour le SP95 :

• Total HT : 1,40 €
• TVA (20 %) : 0,28 €
• Total TTC : 1,68 €

Les DROM, des territoires à fiscalité carburant spécifique

Contrairement à la métropole, les prix des carburants dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) — comme la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte et La Réunion — ne sont pas librement déterminés par le marché. Ils sont généralement réglementés et plafonnés chaque mois par arrêté préfectoral, sur la base d’une structure de coûts réels (importation, fret, stockage, distribution, marges commerciales), définie par les services de l’État. Ce mécanisme vise à stabiliser les prix à la pompe dans des territoires insulaires ou isolés, où la concurrence est faible et les coûts logistiques élevés.

Les DROM ne sont pas soumis à la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) ni à la TVA sur les carburants. À la place, des taxes locales spécifiques s’appliquent, notamment l’octroi de mer — une taxe sur les produits importés fixée par les Régions — et la taxe spéciale sur les carburants (TSC), dont les montants sont également décidés localement. Par exemple, à La Réunion, l’octroi de mer représentait en 2024 environ 8,5 % du prix du litre de gazole et 9 % pour le sans-plomb, tandis qu’en avril 2025, la TSC atteignait 25 centimes pour le gazole et 36 centimes pour le sans-plomb. Des chiffres similaires sont observés dans d’autres DROM, avec des variations selon les décisions régionales.

Grâce à ce dispositif, les prix des carburants sont généralement identiques dans toutes les stations d’un même territoire, sauf exceptions promotionnelles, offrant ainsi une certaine transparence aux consommateurs. Ce modèle de régulation ultramarin illustre l’adaptation de la fiscalité énergétique aux spécificités locales, tout en garantissant aux collectivités une ressource budgétaire importante.

3. Comparaison SP95 vs Diesel (2024)

4. Simulation : quel prix à la pompe si le baril descend à 40 $ ou 20 $ ?

Le prix du baril de pétrole a un impact réel sur le prix à la pompe, mais il est en partie amorti par les taxes fixes et les coûts de distribution (en rouge dans le tableau). Voici une simulation basée sur le SP95-E10 en 2024, avec un baril de référence à 85 $ :

Ce graphique montre clairement que même si le baril passe de 85 $ à 20 $ (-76%), le prix à la pompe ne baisse que de 27% :

Le prix du carburant est donc composé à plus de 60 % de taxes. Si le prix du baril varie fortement, ce sont surtout les taxes fixes (TICPE) qui pèsent sur le coût final. La TVA, proportionnelle, amplifie ces effets.

L’impact des CEE, souvent méconnu, pèse aussi de plus en plus dans le prix final. Une meilleure transparence sur ces composantes permettrait aux usagers de mieux comprendre les écarts de prix et l’évolution du coût à la pompe.

Sources et références

• Certificats d'économie d'énergie (CEE)
• Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)
• Loi de finances 2024
• Code général des impôts, article 278
• Article 265 du Code des douanes
• Code de l'énergie, articles L221-1 à L221-13
• Arrêtés fixant les volumes d'obligations triennales (2022-2025)