L’Europe cible les contournements des sanctions sur les carburants russes
La Commission européenne propose un nouveau renforcement de son régime de sanctions à l’encontre de la Russie. Cette fois, ce sont les produits pétroliers raffinés, notamment le gazole d'origine russe réexporté via des pays tiers, qui sont visés. Cette mesure intervient dans le cadre du 14e paquet de sanctions contre Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine.
Le nouveau texte vise à interdire l'importation de carburants qui, bien que transformés dans des pays tiers, proviennent initialement de Russie. En ligne de mire : des flux en provenance d’Inde, de Turquie ou des Émirats arabes unis, où le pétrole russe est raffiné avant d’être réexpédié vers l’UE.
Des règles plus strictes pour les traders
Selon Bloomberg, le projet de réglementation propose une nouvelle obligation pour les importateurs européens : déclarer la provenance du brut utilisé pour fabriquer les carburants qu’ils achètent. Cette transparence exigée pourrait rebattre les cartes pour de nombreux traders.
Le gazole est au cœur de cette stratégie. En 2023, malgré l’embargo, de grandes quantités de gazole potentiellement d’origine russe ont continué à pénétrer le marché européen, notamment via les raffineries indiennes. Or, ce carburant est crucial pour l’économie européenne, en particulier pour les transports routiers et les secteurs agricoles.
Un effet domino sur les prix ?
Ce durcissement réglementaire pourrait avoir des effets directs sur les prix du gazole dans l’Union. En restreignant davantage l’offre disponible sur le continent, l’UE risque de créer une tension sur les approvisionnements. Les traders anticipent déjà un renchérissement du gazole, notamment à l’approche de la saison estivale et des grands déplacements.
Le marché pourrait aussi se réorganiser. Si certains pays comme l’Inde sont touchés par ces nouvelles règles, d’autres producteurs non-russes pourraient en bénéficier, comme les États-Unis, l’Arabie saoudite ou le Koweït. Le raffinage européen, en déclin depuis plusieurs années, pourrait aussi retrouver un rôle stratégique.
Quels impacts pour la France ?
La France, où le gazole reste majoritaire dans le parc automobile, pourrait être particulièrement exposée à ces hausses de prix. En mai 2025, le prix moyen du gazole en France était de 1,73 €/L selon les données de prix-carburant.eu, avec de fortes disparités entre départements.
En cas de raréfaction ou de tensions logistiques, les consommateurs pourraient voir les prix grimper, surtout dans les zones rurales où l’alternative à la voiture diesel reste limitée. Les transporteurs, déjà confrontés à une instabilité des coûts, s’inquiètent d’une volatilité accrue.
Une réponse politique et stratégique
Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus globale de l’UE visant à assécher les revenus pétroliers russes, qui continuent de financer l’effort de guerre. En renforçant les mécanismes anti-contournement, Bruxelles envoie un message clair : la complaisance autour du raffinage offshore ne sera plus tolérée.
Mais cette position ferme pourrait aussi ouvrir des débats sur la souveraineté énergétique européenne. La question de la dépendance aux importations de carburants reste un enjeu crucial, en particulier en l’absence de raffinage local robuste et d’une transition énergétique encore incomplète.
Vers un nouveau bouleversement géopolitique du diesel
Le diesel, longtemps carburant roi en Europe, est devenu une source de tension géopolitique. La guerre en Ukraine et les sanctions ont transformé la carte des flux énergétiques mondiaux. Les pays qui raffinent le brut russe — comme l’Inde ou la Chine — deviennent des acteurs-clés, même indirectement.
Avec ce nouveau paquet de sanctions, l’Europe souhaite fermer une brèche juridique utilisée pour contourner les embargos. Mais elle risque aussi de payer le prix d’une plus grande rigueur, notamment sur les marchés à court terme.
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