Un projet d'e-carburants ambitieux au cœur du bassin de Lacq
Prévu pour être implanté dans la zone industrielle de Lacq (Pyrénées-Atlantiques), le projet E-CHO (E-Carburants Hydrogène-Oxygène) ambitionne de produire jusqu’à 75 000 tonnes d’e-fuels par an, à destination du transport lourd (maritime, aérien et poids lourds). Porté par Elyse Energy, ce site industriel fait partie des premiers projets français de grande ampleur sur les carburants synthétiques, dits e-carburants.
À la clé : une baisse significative des émissions de CO₂ dans des secteurs difficiles à décarboner, en s'appuyant sur un procédé alliant hydrogène bas carbone (issu de l’électrolyse) et CO₂ biogénique (issu de la fermentation de biomasse).
RED II : des exigences strictes sur la biomasse
Mais un obstacle de taille pourrait compromettre l’avenir du projet : la traçabilité de la biomasse. En vertu de la directive européenne RED II, qui encadre les énergies renouvelables, tout carburant durable doit prouver l’origine exacte et la durabilité de sa matière première.
Or, dans le cas d’E-CHO, le CO₂ utilisé provient de résidus d’éthanol produits à partir de mélasses de canne importées du Brésil. Le souci : ce type de biomasse est considéré comme "à risque" si sa chaîne de valeur ne peut garantir qu’elle respecte des critères de durabilité, notamment l’absence de déforestation ou de concurrence avec l’alimentation humaine.
Une certification qui conditionne l'accès aux aides
Pour que l’e-carburant d’E-CHO puisse bénéficier du statut de carburant renouvelable, condition sine qua non pour accéder aux subventions françaises et européennes (comme le mécanisme de soutien de l’AFIT France ou le Crédit d’Impôt Investissement Vert), il faut une certification de type ISCC EU (International Sustainability and Carbon Certification).
Cette certification impose une transparence complète sur la chaîne logistique de la biomasse. Faute de quoi, le CO₂ serait considéré comme d’origine fossile ou non durable, rendant l’e-carburant non éligible à la majorité des dispositifs de soutien.
Le dilemme économique de la traçabilité
Selon les dernières informations révélées par La Tribune, Elyse Energy travaillerait actuellement à trouver une solution de rechange, soit en diversifiant ses sources de biomasse (par exemple en Europe), soit en traçant rigoureusement ses flux depuis le Brésil. Mais cela suppose des surcoûts logistiques et administratifs importants.
Sans validation de cette traçabilité, le modèle économique du projet s’effondre : le prix de revient des e-fuels dépasserait largement celui du kérosène fossile, même taxé. Or, sans rentabilité à court terme, difficile d’attirer des investisseurs privés ou de passer à l’échelle industrielle.
Un enjeu national pour l’e-fuel made in France
Le cas E-CHO met en lumière les limites actuelles du cadre réglementaire pour les carburants alternatifs. Il illustre aussi la difficulté pour la France d’atteindre ses objectifs de décarbonation dans les transports sans assouplissements ciblés, ou sans filières nationales de biomasse durable.
Le gouvernement a pourtant fait des e-carburants une priorité stratégique dans la loi Industrie Verte, avec l’objectif de soutenir la production de 500 000 tonnes d’ici 2030. Plusieurs projets similaires sont en cours (notamment à Fos-sur-Mer ou Dunkerque), mais tous devront prouver leur conformité RED II.
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