L'UE envisage d'assouplir ses règles sur le méthane pour garantir ses importations de GNL américain
Alors que les tensions commerciales avec les États-Unis continuent de s'accentuer, l'Union européenne explore une piste délicate : ajuster sa réglementation sur les émissions de méthane liées au gaz naturel liquéfié (GNL). Cette initiative, qui intervient dans un contexte de refonte des relations transatlantiques, vise à faciliter les échanges énergétiques tout en assurant le respect des objectifs environnementaux du bloc.
Un enjeu diplomatique et énergétique majeur
D'après des sources proches du dossier citées par Reuters le 21 avril 2025, la Commission européenne étudie la possibilité d'adopter une approche permettant de reconnaître comme « équivalentes » les normes américaines en matière de méthane. Ce changement de paradigme permettrait de contourner les obstacles juridiques imposés par la rigueur des normes européennes, tout en s'assurant que les contrats gaziers conclus après 2027 respectent les exigences environnementales du Marché unique.
L'initiative intervient dans un climat de discussions diplomatiques intenses, alors que l'administration américaine de Donald Trump menace de recourir à de nouveaux droits de douane si un accord global n'est pas trouvé. Pour Bruxelles, il s'agit non seulement d'un enjeu économique, mais aussi d'une question de souveraineté énergétique, d'une importance cruciale dans la transition à une économie sans le gaz russe, dont l'approvisionnement est en voie de disparition.
Des normes environnementales strictes et un secteur gazier complexe
Depuis 2024, l'Union européenne a renforcé ses normes de transparence et de contrôle concernant les « émissions de méthane ». Ce gaz, dont le potentiel de réchauffement est plus de 80 fois supérieur à celui du CO₂ sur une période de 20 ans, est au centre de débats passionnés entre des responsables politiques et acteurs industriels.
En revanche, le marché américain du GNL est très fragmenté. Les expéditions de gaz, provenant de multiples champs gaziers, sont soumises à des niveaux d'émissions variables, rendant difficile l'application uniforme des normes européennes. L'administration Trump, en prévoyant un assouplissement de ses obligations environnementales, ouvre la voie à une potentielle reconnaissance de ces normes sous le qualificatif de « équivalentes ».
La stratégie de dépendance au GNL américain
Depuis la redéfinition des approvisionnements suite à la réduction des importations de gaz russe, l'Union européenne a renforcé sa dépendance au GNL en provenance des États-Unis. En 2024, ce dernier fournissait 45 % des importations européennes de GNL, soit approximativement 16,5 % des importations totales de gaz.
Dans ce contexte, Bruxelles se doit d'équilibrer la rigueur de ses règles environnementales et la nécessité de maintenir un approvisionnement constant pour ses consommateurs et industries. Des « protocoles d'équivalence » pourraient permettre de concilier ces deux exigences apparemment contradictoires.
Les implications d'un ajustement réglementaire
Si l'Union européenne valide cette approche d'équivalence, elle enverrait un signal fort au marché international : il est possible d'allier exigences climatiques et intégration à un marché de plus en plus concurrentiel. La réglementation rigoureuse, qui s'impose sur les nouveaux contrats gaziers à compter de 2027, deviendrait ainsi le point d'ancrage d'une nouvelle ère de coopération transatlantique.
Une telle « reconnaissance de la performance technique » encouragerait les exportateurs américains à investir davantage dans des technologies de réduction de méthane. Les entreprises du secteur gazier voient déjà un intérêt marqué pour la modernisation de leurs infrastructures et un potentiel accroissement de leur compétitivité sur un marché où les normes environnementales présentent un avantage concurrentiel.
Vers un ajustement bilatéral et des perspectives d'avenir
Les discussions en cours entre Bruxelles et les grands acteurs du GNL américain laissent entrevoir des perspectives positives pour l'avenir. D'une part, l'adoption d'une « norme fonctionnelle équivalente » permettrait d'ouvrir de nouvelles pistes d'approvisionnement sans compromettre la lutte contre le changement climatique. D'autre part, cela renforcerait le dialogue avec Washington, dans un contexte politique et économique mouvant.
Plusieurs analystes soulignent toutefois que cette solution comporte des risques. Un risque majeur repose sur la transparence des données d'émissions, essentielles pour assurer la crédibilité des contrats gaziers. Ainsi, l'Union européenne a déjà exprimé la nécessité d'un cadre partagé, rigoureux et vérifiable.
Au final, l'éventualité d'un assouplissement des règles sur le méthane illustre la complexité des enjeux liés à la fois à la sécurité énergétique et aux impératifs environnementaux. Tandis que l'Union européenne cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement et à renforcer sa dépendance aux exportations de GNL américain, elle doit aussi veiller à maintenir le cap sur une politique climatique ambitieuse.
Source : Reuters – EU explores tweaking methane rules to help US gas trade