Le gaz naturel au cœur des stratégies énergétiques globales
Alors que la transition énergétique impose une réduction progressive du charbon, le gaz naturel s’impose comme un vecteur énergétique de transition incontournable. Sa combustion émet moins de CO₂ que le charbon, tout en permettant une montée en puissance rapide pour alimenter les centres de données et les villes en pleine croissance démographique.
Les majors pétrolières comme Shell, Chevron, ExxonMobil ou TotalEnergies investissent massivement dans des projets gaziers en Asie du Sud-Est, notamment en Indonésie, en Malaisie, au Vietnam et en Thaïlande. L’essor de la demande locale, dopée par les technologies numériques et l’IA, accélère cette dynamique.
Asie du Sud-Est : un terrain stratégique pour le GNL
La région représente aujourd’hui environ 15 % de la demande mondiale de GNL, mais ce chiffre pourrait doubler d’ici 2035 selon les projections de Rystad Energy. Plusieurs pays y développent de nouveaux terminaux d’importation, modernisent leurs infrastructures, et lancent des appels d’offres pour de nouveaux partenariats.
Exemple marquant : Shell étudie actuellement des extensions de ses capacités en Indonésie, tandis que TotalEnergies finalise un accord stratégique avec un opérateur thaïlandais pour l’approvisionnement à long terme en GNL destiné aux centres de données.
L’intelligence artificielle dope la consommation électrique
L’un des moteurs inattendus de cette ruée vers le gaz est la croissance explosive des besoins en électricité des technologies d’intelligence artificielle. Chaque modèle d’IA générative, chaque data center, nécessite une alimentation continue, stable et massive.
« Le gaz reste une solution viable et rapide pour répondre à la hausse soudaine des besoins sans recourir au charbon », indique un analyste de Wood Mackenzie.
Cette demande change la donne pour les pays de l’ASEAN, qui voient dans le GNL une alternative plus propre pour renforcer leur sécurité énergétique et attirer des investissements dans les technologies.
Entre sécurité énergétique et transition écologique
Si le recours au gaz s’inscrit dans une logique de transition, plusieurs ONG environnementales pointent les risques de verrouillage fossile. En investissant lourdement dans des infrastructures gazières, certains pays pourraient freiner le développement des énergies renouvelables.
Cependant, les compagnies concernées affirment vouloir intégrer du gaz “bas carbone”, issu notamment de projets de captage et stockage de CO₂, voire à l’avenir, de gaz de synthèse ou d’hydrogène mélangé au GNL.
Un nouvel axe énergétique géopolitique ?
La concentration croissante d’investissements énergétiques en Asie du Sud-Est pourrait redessiner les alliances stratégiques régionales. Les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Union européenne y voient chacun un intérêt économique ou sécuritaire.
Les grands acteurs européens comme TotalEnergies cherchent à y consolider leur influence pour sécuriser à la fois leurs approvisionnements et leur accès aux marchés émergents. La région devient ainsi un pivot énergétique du XXIe siècle.
Quel impact pour les marchés mondiaux du gaz ?
À mesure que la demande sud-asiatique augmente, le marché du GNL se tend. Les prix spot sont sujets à de fortes variations, comme l’a démontré la crise énergétique de 2022-2023. Les contrats à long terme retrouvent donc la faveur des grands acheteurs, avec des durées allant de 10 à 20 ans.
Pour la France, cet engouement pour le GNL en Asie peut avoir deux conséquences :
- une concurrence accrue sur les cargaisons de GNL,
- et une potentielle augmentation des prix en Europe en période de tension.
Vers un équilibre délicat entre besoins et durabilité
L'Asie du Sud-Est incarne à la fois les promesses de croissance et les défis de la décarbonation. Le gaz y apparaît comme une réponse intermédiaire, permettant de remplacer le charbon sans dépendre entièrement du solaire ou de l’éolien encore instables dans certains pays tropicaux.
Les projets de Shell, TotalEnergies et leurs concurrents pourraient accélérer la transition... ou l’enliser, selon la gouvernance énergétique adoptée. Un point de vigilance pour les observateurs européens.
Source : Reuters, “Energy majors lock onto Southeast Asia in race for more gas, AI power demand”, publié le 18 juin 2025 – Lire l’article
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