La Commission européenne a confirmé le 13 septembre 2025 qu’elle réexaminera « le plus tôt possible » la fameuse clause de revoyure du règlement interdisant la vente de voitures neuves à moteurs thermiques à partir de 2035. Cet ajustement intervient sous la pression grandissante des industriels automobiles européens, qui jugent le calendrier irréaliste au regard des investissements colossaux et des défis techniques liés à la transition vers l’électrique.
Pour rappel, l’objectif affiché par Bruxelles reste inchangé : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Mais les modalités de mise en œuvre pourraient évoluer afin de préserver un équilibre entre ambition écologique et viabilité économique.
Pourquoi un réexamen anticipé ?
Initialement, la révision du règlement était prévue pour fin 2026. Pourtant, l’UE a décidé d’avancer cette clause, probablement dès la fin 2025. Les constructeurs automobiles, soutenus par certains États membres comme l’Allemagne et la France, pointent plusieurs obstacles majeurs :
- coût très élevé de la transition vers l’électrique,
- infrastructures de recharge insuffisantes à l’échelle du continent,
- chaînes de production à adapter sur plusieurs années.
Le patron de Mercedes et président de l’ACEA, Ola Källenius, a jugé l’objectif de 2035 « inatteignable » sans flexibilités, soulignant le risque de pénaliser la compétitivité européenne.
Les pistes d’assouplissement à l’étude
1. Prolongation des hybrides et REEV
Une option envisagée serait de prolonger la vente d’hybrides rechargeables et de véhicules à prolongateur d’autonomie (REEV), technologie déjà expérimentée en Chine. Ces solutions permettraient de maintenir une part de thermique tout en réduisant les émissions.
2. E-carburants et carburants bas carbone
Autre piste : autoriser des moteurs thermiques fonctionnant avec des e-carburants produits à partir d’électricité décarbonée. Bien que plus coûteux (estimés autour de 2,50 €/litre), ils offriraient une alternative « neutre en carbone » dans le cycle de vie.
3. Assouplissement des normes CO₂
La Commission envisage également d’étaler le calcul des émissions de CO₂ sur plusieurs années (2025-2027 par exemple), au lieu d’une seule. Une mesure technique qui donnerait davantage de souplesse aux constructeurs dans l’atteinte de leurs objectifs intermédiaires.
Les impacts pour l’industrie automobile
Pour les industriels, ces assouplissements permettraient de lisser les investissements et d’éviter une rupture brutale. L’automobile représente en Europe :
- 1,4 million d’emplois directs dans la production,
- près de 13 millions d’emplois indirects dans la filière.
Un secteur stratégique, particulièrement en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne.
Le défi actuel tient au « double front » : améliorer encore les moteurs thermiques tout en développant massivement l’électrique. Une équation complexe qui fragilise la R&D et l’équilibre financier des constructeurs.
Enjeux climatiques et contradictions
Le transport routier reste l’un des plus gros contributeurs aux émissions de CO₂ dans l’UE. Retarder ou assouplir l’interdiction des thermiques pourrait ralentir l’atteinte des objectifs du paquet Fit for 55 (-55 % d’émissions d’ici 2030) et de la neutralité carbone en 2050.
Certains observateurs dénoncent aussi un paradoxe : l’UE met la pression sur l’automobile, mais n’impose pas de mesures aussi strictes pour développer le ferroutage ou le transport fluvial, pourtant moins polluants.
Une décision qui redessine le futur de la mobilité
L’échéance de 2035 reste officiellement maintenue, mais le consensus évolue : il ne s’agit plus de savoir si l’interdiction sera modifiée, mais plutôt comment et dans quelle mesure.
Les choix à venir détermineront si la voiture électrique s’impose vraiment comme norme, si les hybrides et e-carburants prolongeront la vie du thermique, et si les consommateurs accepteront des véhicules plus coûteux ou des carburants synthétiques à prix élevé.
Une bataille politique et sociale à venir
Les prochains mois seront décisifs. Entre 2025 et 2026, les discussions entre Commission, États membres et industriels dessineront la trajectoire réelle de l’Europe vers 2035.
Le débat dépasse la seule technique : il touche à l’acceptabilité sociale. L’automobile, longtemps symbole d’ascension sociale, pourrait-elle redevenir un objet de luxe ? Ou bien l’innovation permettra-t-elle de démocratiser une mobilité électrique abordable et performante ?
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