Suisse : payer l’essence 4 centimes de plus pour désengorger les autoroutes, une idée qui progresse au Parlement

Publié le 14/12/2025 dans News

Le débat sur la gestion de la congestion routière en Suisse connaît un nouvel épisode : l’idée de payer l’essence environ 4 centimes plus chère afin de désengorger les autoroutes progresse dans les discussions politiques. Selon une information relayée par Le Temps, la mesure « fait son chemin » au Parlement, signe que certains élus souhaitent tester des leviers économiques pour agir sur les comportements de déplacement.

Cette approche s’inscrit dans une logique bien connue des économistes et des gestionnaires d’infrastructures : lorsque l’offre (le réseau autoroutier) est contrainte, une partie de la régulation peut passer par la demande, via un signal-prix destiné à limiter les déplacements aux périodes les plus saturées. Dans les faits, l’objectif affiché est d’inciter une fraction des usagers à décaler leurs trajets, à mutualiser les déplacements ou à envisager d’autres modes de transport lorsque cela est possible.

Le sujet est politiquement sensible car il touche directement le budget des automobilistes. Même faible, une hausse par litre est immédiatement perceptible à la pompe. C’est précisément ce caractère visible qui rend le débat aussi clivant : les partisans y voient un outil simple et potentiellement efficace ; les opposants redoutent une nouvelle charge, inégalement supportée selon les territoires et les contraintes de mobilité.

Pourquoi « 4 centimes » ?

Le chiffre évoqué — 4 centimes par litre — revient régulièrement dans les discussions suisses liées au financement et à l’exploitation du réseau. Dans la sphère publique, il a déjà été associé à des mécanismes de financement routier, notamment autour du fonds routier (FORTA) et des investissements d’extension et d’entretien. Certains commentaires de presse rappellent qu’une hausse de cet ordre pourrait être envisagée pour contribuer à sécuriser des ressources ou accompagner des projets d’infrastructure.

Sur le plan de l’acceptabilité, un montant limité a deux avantages pour ses défenseurs : il permet de présenter la mesure comme « modérée » et il réduit le risque de choc brutal pour les ménages. En revanche, ses détracteurs soulignent qu’un montant faible peut aussi poser une question d’efficacité si l’objectif est réellement de modifier les comportements à grande échelle.

Dans les discussions, un point revient : la congestion n’est pas uniforme. Elle se concentre sur des nœuds et des horaires spécifiques. Cela nourrit l’idée que, si un signal-prix devait exister, il serait jugé plus pertinent s’il était ciblé (périodes de pointe, segments les plus chargés) plutôt qu’appliqué de manière identique partout et tout le temps.

Un outil de « gestion de la demande » face à une congestion structurelle

La Suisse fait face à une congestion devenue plus structurelle, notamment autour des grands pôles urbains et sur certains axes majeurs. Les investissements routiers, même importants, se heurtent à des contraintes d’espace, d’environnement, de procédures et de coûts. À mesure que ces contraintes se renforcent, les solutions strictement fondées sur l’augmentation de capacité apparaissent plus difficiles à déployer rapidement.

Dans ce contexte, l’idée d’agir par le prix est présentée comme un levier complémentaire. Le raisonnement est le suivant : si une fraction des usagers peut décaler son départ, regrouper des trajets ou changer de mode, alors les pics peuvent être « écrêtés ». Or, dans un réseau routier proche de la saturation, une réduction limitée du flux aux heures critiques peut parfois suffire à améliorer la fluidité.

Les promoteurs d’un signal-prix mettent aussi en avant l’intérêt de dispositifs plus fins que la simple hausse uniforme : tarification variable, mesures temporaires, ou mécanismes accompagnés d’alternatives renforcées. Mais ces options soulèvent immédiatement des questions de mise en œuvre, de contrôle, et de perception d’équité entre usagers.

Les questions d’équité : zones de montagne, périurbain et dépendance à la voiture

L’un des points les plus sensibles du débat suisse concerne l’équité territoriale. Dans certaines régions, notamment les zones de montagne ou les secteurs moins bien desservis par les transports publics, la voiture n’est pas un choix de confort mais une nécessité. Dans cette perspective, une hausse du carburant est perçue comme un prélèvement qui touche davantage ceux qui ont le moins d’alternatives.

Des inquiétudes ont été exprimées dans le débat public quant au fait que certaines régions seraient affectées par une hausse à la pompe, sans bénéficier directement des projets d’extension autoroutière ou des améliorations de capacité envisagées ailleurs. Cet argument renvoie à un principe classique : pour être acceptée, une mesure de financement ou de régulation doit être perçue comme juste et cohérente avec les bénéfices attendus.

Dans la pratique, l’acceptabilité peut dépendre de deux éléments : (1) l’existence de compensations ou d’accompagnements pour les publics captifs de la voiture ; (2) la transparence sur l’usage des recettes, si recettes il y a (entretien, sécurité, transports publics, ou mix d’investissements).

Une idée en progression, mais des arbitrages encore déterminants

À ce stade, l’idée d’une essence plus chère d’environ 4 centimes pour contribuer à désengorger les autoroutes reste un sujet de débat politique, avec des sensibilités divergentes sur l’efficacité, la justice sociale et la pertinence d’un tel mécanisme. Les échanges au Parlement et dans l’espace public devraient préciser les contours possibles : mesure générale ou ciblée, temporaire ou durable, et articulation avec les investissements dans les infrastructures et les alternatives de mobilité.

Dans tous les cas, l’évolution de ce dossier sera suivie de près, car elle touche au cœur des arbitrages entre mobilité, financement public et pouvoir d’achat. Pour les automobilistes, elle rappelle aussi que le prix du carburant ne dépend pas uniquement des marchés, mais également de choix politiques liés à l’organisation et au financement des réseaux de transport.

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