Méthanisation et biogaz : ambitions françaises, alerte de la Cour des comptes

Publié le 09/06/2025 dans News

Une filière en croissance rapide

La méthanisation consiste à produire du biogaz à partir de déchets organiques (effluents d’élevage, déchets agricoles, biodéchets, etc.), valorisé sous forme d’électricité, de chaleur ou injecté dans le réseau gazier sous forme de biométhane. En France, cette technologie connaît une forte accélération. Fin 2024, plus de 1300 installations de méthanisation étaient en service, produisant environ 12 TWh de biogaz, soit un peu plus de 2 % de la consommation nationale de gaz. L’objectif du gouvernement est ambitieux : atteindre 20 % de gaz renouvelable dans les réseaux d’ici 2030. Les grandes entreprises énergétiques comme Engie, TotalEnergies ou GRDF ont massivement investi dans la filière, notamment via des projets territoriaux d’injection de biométhane.

Des coûts publics élevés pointés par la Cour des comptes

Dans son rapport de mars 2025, la Cour des comptes met en lumière les limites économiques de cette politique. Entre 2011 et 2023, l’État et les consommateurs ont versé plus de 4,3 milliards d’euros de soutien à la filière, principalement sous forme de tarifs d’achat bonifiés et d’aides à l’investissement. En 2025, le soutien annuel avoisine 1,2 milliard d’euros. Un montant jugé excessif au regard de la production effective de biométhane, encore modeste dans le bouquet énergétique. La Cour alerte : « le coût de production reste 3 à 4 fois plus élevé que celui du gaz fossile importé. »

Tensions croissantes sur les ressources organiques

Un autre point d’inquiétude réside dans la disponibilité des intrants organiques. Selon le SGPE (Secrétariat Général à la Planification Écologique), près de 50 % des gisements mobilisables seront saturés d’ici 2030. En cause : la concurrence entre producteurs pour s’assurer un approvisionnement local en déchets organiques et fumiers. Les exploitations agricoles peinent parfois à concilier valorisation énergétique et agronomie (retour au sol), d’autant que certaines pratiques posent des questions écologiques (cultures dédiées à la méthanisation, transport des déchets…).

Une gouvernance encore à structurer

La Cour des comptes critique également une gouvernance éclatée : les responsabilités sont dispersées entre plusieurs ministères, agences (ADEME, CRE, etc.) et collectivités territoriales. Les objectifs nationaux sont parfois déconnectés des réalités locales (réseaux de gaz, acceptabilité, modèle économique). La montée en puissance d’acteurs privés puissants (Engie, TotalEnergies, Teréga…) soulève des enjeux de régulation, notamment sur la certification des garanties d’origine ou la domination sur les petits exploitants.

Quels scénarios pour l’avenir ?

Pour pérenniser la filière, plusieurs pistes sont envisagées : La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) doit réviser courant 2025 la grille tarifaire applicable aux injections de biométhane.

Le biogaz face à la concurrence de l’hydrogène et de l’électrification

L’enjeu de la place du biogaz dans la transition énergétique est aussi stratégique : face à la montée en puissance de l’électrification et de l’hydrogène vert, le biométhane peut jouer un rôle de tampon, notamment pour les secteurs difficiles à décarboner (mobilité lourde, industrie). Mais son potentiel reste limité. Selon l’ADEME, même dans les scénarios les plus ambitieux, la production annuelle française ne dépasserait pas 90 TWh à horizon 2050, soit un tiers de la consommation actuelle de gaz.

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