Mis en place en 2005, les Certificats d’économie d’énergie (CEE) s’imposent aujourd’hui comme l’un des leviers majeurs de la politique française de transition énergétique. Leur objectif est clair : obliger les vendeurs d’énergie – électricité, gaz, fioul, GPL, carburants routiers – à financer des actions d’efficacité énergétique chez les particuliers et les entreprises. Longtemps perçu comme un instrument technique réservé aux professionnels, le dispositif a désormais un impact direct sur le prix du litre. Depuis 2024, cet impact s’accentue et sera encore plus visible avec le renforcement des objectifs à partir de 2026.
Comprendre le fonctionnement des CEE permet de mieux décrypter la formation du prix des carburants et d’anticiper les hausses à venir. Pour les automobilistes qui suivent le prix du carburant au centime près, il devient indispensable d’intégrer cette « ligne invisible » qui pèse dans le coût du plein, au même titre que les taxes et le prix du pétrole brut.
Un mécanisme fondé sur une obligation : les « obligés » doivent financer des économies d’énergie
Le dispositif des CEE repose sur un principe simple : plus un fournisseur vend d’énergie, plus il doit générer ou financer des économies d’énergie. Ces économies sont matérialisées par des certificats, exprimés en kilowattheures cumac (kWh cumac), qui correspondent à l’énergie économisée tout au long de la durée de vie d’un équipement ou de travaux.
Les acteurs concernés sont appelés « obligés ». On y retrouve notamment :
- les distributeurs de carburants (TotalEnergies, Esso, Carrefour, Leclerc, etc.) ;
- les fournisseurs de gaz naturel ;
- les fournisseurs d’électricité ;
- les vendeurs de fioul domestique ;
- certains acteurs du GPL et des autres combustibles.
Pour respecter leurs obligations, deux grandes options s’offrent à eux : financer directement des travaux d’économies d’énergie chez leurs clients (isolation, chaudière performante, ventilation, etc.) ou acheter des CEE sur le marché auprès d’autres acteurs ou de délégataires spécialisés. Dans tous les cas, ce coût est réintégré, tôt ou tard, dans le prix final facturé aux consommateurs.
Pourquoi le prix des carburants est directement concerné par les CEE ?
Depuis la montée en puissance du dispositif, les distributeurs de carburants sont pleinement intégrés en tant qu’« obligés ». Concrètement, chaque litre de carburant vendu génère une obligation CEE pour l’enseigne qui l’a commercialisé. Même si le dispositif vise en priorité l’efficacité énergétique des bâtiments ou de l’industrie, son financement provient aussi des ventes de carburants routiers.
Le coût des CEE devient ainsi un élément du prix de revient du carburant, au même titre que le transport, le stockage, la marge commerciale ou les taxes. Lorsque les objectifs nationaux augmentent, les distributeurs doivent financer davantage d’opérations d’économies d’énergie ou acheter plus de certificats, ce qui renchérit mécaniquement le poste CEE dans la structure de prix.
Les professionnels estiment que, dans le contexte actuel, le poids des CEE représente déjà plusieurs centimes par litre, avec une tendance haussière pour les prochaines années en raison du relèvement progressif des obligations.
Un marché du CEE volatil qui pèse sur la facture des automobilistes
Chaque certificat d’économie d’énergie possède une valeur monétaire, déterminée par la rencontre entre l’offre (les acteurs qui réalisent des travaux et vendent des CEE) et la demande (les « obligés » qui doivent en acquérir pour respecter leurs objectifs). Ce marché du CEE est par nature volatil, car il dépend de plusieurs facteurs :
- le niveau des objectifs fixés par l’État ;
- la facilité ou la difficulté à trouver des gisements d’économies d’énergie ;
- le rythme réel des rénovations énergétiques ;
- le durcissement des contrôles administratifs et la lutte contre la fraude ;
- l’évolution des coûts des travaux éligibles.
Lorsque les objectifs sont relevés et que les gisements faciles sont déjà exploités, la demande en CEE augmente plus vite que l’offre, ce qui fait monter leur prix. Pour les distributeurs de carburant, cela se traduit par un surcoût qu’ils répercutent, au moins en partie, à la pompe.
Sixième période CEE et durcissement des objectifs : vers un surcoût durable
Les CEE sont organisés en « périodes » pluriannuelles, chacune dotée d’un objectif national exprimé en TWh cumac. Chaque nouvelle période est l’occasion pour l’État d’augmenter ce volume afin de soutenir davantage la rénovation énergétique. À partir de 2026, le niveau d’obligation va être renforcé, avec une enveloppe globale supérieure à celle des années précédentes.
Ce relèvement se traduit, pour les distributeurs, par l’obligation de financer plus de travaux ou d’acheter plus de certificats. Dans un contexte où de nombreux gisements d’économies « simples » ont déjà été traités (isolation des combles, changement de chaudières les plus anciennes, etc.), le coût unitaire des CEE tend à augmenter. Les opérations restantes sont souvent plus complexes, plus coûteuses et plus difficiles à standardiser.
Pour le consommateur, le résultat est un surcoût structurel qui vient s’ajouter à la volatilité des cours du pétrole, au niveau de la TICPE et de la TVA. Sur la durée, les CEE contribuent donc à un renchérissement discret mais réel du prix du litre.
Comment le surcoût CEE se retrouve-t-il dans le prix du litre ?
Dans la pratique, le mécanisme suit plusieurs étapes :
- l’État fixe un objectif national d’économies d’énergie pour une période donnée ;
- chaque « obligé » se voit attribuer une obligation en fonction de ses volumes d’énergie vendus ;
- il finance ou achète des CEE pour respecter son quota ;
- le coût de ces certificats est réintégré dans son modèle économique ;
- ce coût est intégré dans le prix de vente final de l’énergie, y compris des carburants.
Les distributeurs opèrent dans un environnement très concurrentiel, avec des marges unitaires souvent réduites. Ils n’ont donc que peu de latitude pour absorber durablement un surcoût réglementaire sans le répercuter. Les centimes supplémentaires liés aux CEE s’ajoutent ainsi progressivement au prix à la pompe, de manière peu visible mais durable.
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