Les origines de l’essence : la révolution du pétrole
Tout commence au milieu du XIXe siècle, lorsqu’on découvre qu’en distillant du pétrole brut, on peut obtenir plusieurs fractions, dont une légère et inflammable : l’essence.
La première raffinerie moderne de pétrole est construite en 1859 aux États-Unis, en Pennsylvanie, par Edwin Drake. À cette époque, l’essence n’était qu’un sous-produit peu utilisé. Son vrai potentiel était encore inconnu, car aucune technologie ne permettait encore de l’exploiter pleinement.
L’avènement de l’automobile et du moteur à explosion
La situation change radicalement avec l’invention du moteur à explosion. En 1876, Nikolaus Otto met au point le premier moteur à quatre temps fonctionnant à l’essence. Cette invention va ouvrir la voie à une révolution industrielle sans précédent. Quelques années plus tard, Karl Benz présente la première voiture propulsée par un moteur à essence, en 1885. Gottlieb Daimler développe aussi ses propres modèles, faisant de l’essence le carburant par excellence du XXe siècle.
L’essence, jusque-là peu valorisée, devient rapidement essentielle à la mobilité. Sa légèreté, sa volatilité et sa puissance en font un carburant idéal pour les moteurs thermiques. La demande explose, et avec elle, les infrastructures pétrolières et routières. Les premières stations-service apparaissent dans les années 1920.
L’essor mondial de l’essence au XXe siècle
Avec l’essor de l’automobile dans les années 1920-1930, la consommation d’essence devient un enjeu mondial. Des empires pétroliers naissent : Standard Oil (futur Exxon), Shell, Total, BP… Le carburant devient un produit stratégique, notamment pendant les deux guerres mondiales, où les armées dépendent du pétrole pour les tanks, camions, navires et avions.
Dans les Trente Glorieuses (1945–1975), l’essence est au cœur du développement économique. Les foyers s’équipent en voitures personnelles. Le modèle de société s’organise autour de la mobilité et des routes. En France, l’essor de Renault, Citroën ou Peugeot accompagne cette croissance, largement soutenue par un carburant devenu bon marché et disponible partout.
Les crises pétrolières et la prise de conscience écologique
Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 rappellent au monde que l’essence est une ressource limitée et géopolitiquement sensible. Les prix flambent, la dépendance énergétique devient un sujet de préoccupation, et les gouvernements commencent à promouvoir des carburants alternatifs ou des véhicules plus sobres.
Dans les années 1990–2000, les enjeux environnementaux prennent de plus en plus de place. L’essence est pointée du doigt pour ses émissions de CO₂ et de particules fines. En réponse, les normes antipollution se durcissent, les moteurs deviennent plus propres, et de nouvelles formulations apparaissent : le sans-plomb (obligatoire en Europe depuis 2000), puis l’E10 (essence contenant jusqu’à 10 % d’éthanol).
L’essence aujourd’hui : un carburant en mutation
De nos jours, l’essence reste largement utilisée en France, notamment sur les véhicules légers, bien qu’elle soit concurrencée par l’électrique et d’autres carburants alternatifs. Le SP95-E10 est devenu le carburant standard, moins cher et un peu plus écologique que le SP98. Cependant, l’empreinte carbone reste un sujet majeur, et les politiques publiques encouragent désormais la transition vers des mobilités plus durables.
De nombreux constructeurs ont annoncé l’arrêt progressif de la production de véhicules essence à horizon 2035 dans l’Union européenne. Cela marque une nouvelle étape dans l’histoire de ce carburant, qui aura accompagné l’humanité pendant plus de 150 ans.
L’essence, reflet d’une époque
Du produit secondaire ignoré au carburant roi du XXe siècle, l’essence a façonné notre monde moderne. Son histoire est intimement liée à celle de l’automobile, de l’urbanisation, du commerce et même de la géopolitique. Aujourd’hui en transition, elle reste néanmoins un symbole fort de l’ingéniosité humaine… et des limites de notre modèle énergétique.