Dans un monde où les prix des carburants fluctuent au rythme des marchés mondiaux, certains pays continuent de réguler, subventionner ou plafonner les tarifs à la pompe. Pourquoi ces États maintiennent-ils cette politique ? Quels en sont les avantages, les limites et les risques ? Tour d’horizon par continent, chiffres à l’appui.
Pourquoi certains pays fixent encore le prix des carburants
Dans la majorité des économies avancées, les prix des carburants sont libres, taxés et répercutent en temps réel les fluctuations du pétrole brut. Pourtant, dans de nombreux pays, surtout producteurs ou à faible revenu, l’essence, le diesel et le gaz butane sont encore vendus à des prix fixes, plafonnés ou subventionnés.
Ces politiques reposent sur :
- des objectifs sociaux : soutenir le pouvoir d’achat, éviter les hausses brutales,
- des enjeux politiques : prévenir les manifestations,
- des stratégies économiques : contrôler l’inflation ou appuyer certains secteurs (transports, agriculture).
Afrique : subvention ou statu quo
- Algérie : essence à 0,32 €, diesel à 0,20 €. Des prix gelés depuis des années. Subvention implicite massive, malgré des velléités de réforme.
- Angola : après avoir longtemps offert l’essence à prix cassé, l’État relève progressivement les prix sous pression du FMI. Objectif : fin totale des subventions d’ici fin 2025.
- Nigéria : un tournant en 2023 : fin brutale de la subvention. L’essence passe de 0,40 € à plus de 1,10 €/L. Résultat : inflation, colère sociale, grèves.
- Égypte : prix ajustés chaque trimestre. En 2025, l’essence 95 vaut 0,56 €, le diesel 0,46 €. Subventions ciblées encore en place pour le gaz butane.
- Maroc : essence et diesel libéralisés depuis 2015. Le gaz butane est toujours subventionné : bonbonne de 12 kg vendue 3,7 €, bien en dessous du prix réel.
- Libye : l’essence reste quasi gratuite : environ 0,03 €/L. Le pays dépense des milliards en subventions, malgré une économie en crise.
Moyen-Orient : entre rente et réforme
- Arabie saoudite : gel des prix depuis 2021. Essence à 0,53 €, diesel à 0,40 €.
- Iran : carburant ultra-subventionné : 0,13 € le litre jusqu’à 60 L/mois, puis 0,26 €.
- Irak : prix administrés : essence à ~0,30 €.
- Qatar, Koweït, Émirats : tendance à la libéralisation partielle.
Asie : gel partiel ou contrôle ciblé
- Indonésie : essence RON90 à 0,60 €, diesel à 0,40 €.
- Malaisie : RON95 plafonné à 0,40 €. Diesel aussi plafonné. Système à deux vitesses prévu pour mi-2025.
- Pakistan : prix fixés tous les 15 jours. Mai 2025 : essence à 0,84 €, diesel à 0,85 €.
- Inde : carburants libéralisés sauf pour le GPL domestique, partiellement subventionné.
- Vietnam, Thaïlande, Chine : stabilisation via fonds ou plafonds.
Amériques : entre populisme et libéralisation
- Venezuela : essence subventionnée à ~0,002 €/L, non subventionnée à 0,46 €/L.
- Bolivie : prix gelés depuis 2011 : essence à 0,50 €/L.
- Équateur : essence à 0,63 €/L, diesel à 0,46 €/L, prix gelés depuis 2022.
- Mexique, Argentine : contrôle indirect via taxes ou accords. Pas de subventions généralisées.
Comparatif
Pays | Continent | Essence (€) | Diesel (€) | Contrôle |
---|---|---|---|---|
Algérie | Afrique | 0,32 | 0,20 | Prix fixes |
Angola | Afrique | 0,29 | 0,29 | Suppression progressive |
Nigéria | Afrique | 1,10 | 1,40 | Libéralisation 2023 |
Égypte | Afrique | 0,56 | 0,46 | Ajustement trimestriel |
Libye | Afrique | 0,03 | 0,03 | Prix ultra-subventionnés |
Arabie saoudite | Moyen-Orient | 0,53 | 0,40 | Prix plafonnés |
Iran | Moyen-Orient | 0,13 | 0,03 | Quota + subvention |
Indonésie | Asie | 0,60 | 0,40 | Subvention ciblée |
Malaisie | Asie | 0,40 | 0,43 | Prix plafonnés |
Pakistan | Asie | 0,84 | 0,85 | Prix contrôlés |
Venezuela | Amérique | 0,002 | 0,00 | Subvention extrême |
Bolivie | Amérique | 0,50 | 0,50 | Prix gelés |
Équateur | Amérique | 0,63 | 0,46 | Prix gelés |
Quel avenir pour les prix subventionnés ?
Le carburant à bas prix est un outil politique puissant. Pourtant, il engendre :
- un coût budgétaire important (jusqu’à 10% du PIB pour certains pays),
- des distorsions de marché,
- une incitation à la surconsommation ou à la contrebande.
De plus en plus de gouvernements optent pour une libéralisation progressive couplée à des aides ciblées (transferts monétaires, subvention pour les plus modestes). Mais cette transition est politiquement risquée : toute hausse brutale provoque des réactions violentes, comme l’ont montré l’Iran, l’Équateur ou le Nigéria.