Des carburants de plus en plus “propres” au Mans
Depuis quelques années, les 24 Heures du Mans se positionnent comme une vitrine technologique de la transition énergétique dans le sport automobile. Loin de l’image des bolides ultra-polluants, les écuries engagées dans la course utilisent désormais des carburants alternatifs censés réduire leur empreinte carbone.
En 2024, l’intégralité du plateau a été alimentée par un carburant 100 % renouvelable, fourni par TotalEnergies. Ce carburant, baptisé Excellium Racing 100, est un biocarburant de synthèse issu de résidus de vinification (comme les marcs de raisin) ou de déchets agricoles, sans empiéter sur la chaîne alimentaire.
Cette initiative marque une rupture avec le passé, où les véhicules roulaient avec de l’essence ou du diesel standard. Le Mans devient ainsi un terrain d’essai pour l’industrie automobile, qui cherche à concilier performance et réduction des émissions.
Objectif zéro pétrole : la course comme laboratoire
Si le Mans continue à faire rêver, c’est aussi parce qu’il sert de laboratoire pour les carburants du futur. En plus des prototypes hybrides et électriques, les organisateurs misent désormais sur une trajectoire 100 % carburants non fossiles.
À l’horizon 2030, l’objectif est clair : supprimer totalement le recours aux énergies fossiles. Cela inclut les carburants pétroliers, mais aussi les huiles minérales. Les écuries devront alors s’appuyer sur l’hydrogène, les carburants de synthèse ou le biogaz, en fonction des choix technologiques.
Cette démarche rejoint les engagements climatiques de l’industrie automobile, contrainte d’innover pour répondre aux futures normes européennes sur les émissions de CO₂, comme celles prévues pour 2035 (interdiction de vente des voitures thermiques neuves).
Des émissions toujours présentes… mais en baisse
Malgré les efforts notables en matière de carburant, le bilan carbone global de l’événement reste conséquent. Selon France 3 Régions Pays de la Loire, l’édition 2023 a généré près de 32 000 tonnes équivalent CO₂, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 4 500 Français.
Cependant, seule une petite partie de ces émissions provient directement des voitures. Le transport des spectateurs, la logistique, l’éclairage et la restauration génèrent la majeure partie du bilan. C’est pourquoi l’ACO (Automobile Club de l’Ouest), organisateur de la course, insiste sur une approche globale, incluant mobilité douce, tri des déchets et limitation des emballages.
Les carburants bas-carbone utilisés en piste permettent néanmoins de réduire jusqu’à 65 à 80 % des émissions directes liées à la combustion, comparé à des carburants d’origine fossile.
Du Mans à nos routes : une technologie transférable ?
Au-delà du spectacle, le Mans joue un rôle stratégique dans le développement de solutions de mobilité plus durables. Plusieurs innovations testées sur le circuit ont trouvé leur application dans la production de série, notamment les systèmes hybrides, les carburants synthétiques ou les additifs améliorant la combustion.
Les biocarburants comme l’Excellium Racing 100 ne sont pas encore disponibles à la pompe pour le grand public. Mais des alternatives comme le GPL-c ou le B100 commencent à se déployer pour les professionnels du transport et certaines flottes captives.
La démocratisation des carburants alternatifs passe par leur compatibilité avec les moteurs existants, leur disponibilité dans les stations-service, et une fiscalité incitative. À ce titre, les expérimentations des 24 Heures du Mans permettent de faire avancer la réflexion… en haute vitesse.
Une communication verte sous surveillance
Certains experts pointent toutefois le risque de greenwashing autour de la course. Le recours à des carburants « propres » ne doit pas occulter les limites de la filière, notamment l’impact environnemental de la production des biocarburants ou les conflits d’usage des terres agricoles.
Par ailleurs, la mesure des émissions évitées repose souvent sur des modèles de calcul complexes et peu transparents. Pour garder sa crédibilité, le Mans devra donc jouer la carte de la transparence et de la rigueur scientifique.
Quoi qu’il en soit, la mutation engagée dans le sport automobile reflète les tensions qui traversent tout le secteur des transports : performer sans polluer, innover sans trahir l’esprit de la compétition.
Commentaire
Aucun commentaire pour l’instant. Soyez le premier à réagir !